Boyu,
Je m'appelle Mâge Djodie BOI. Je suis originaire de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Enfant du nord, on m'assigne l'identité de métisse de par ma couleur de peau depuis petite. J'ai davantage grandi dans la culture kanak de mes parents, donc je n’avais pas ce regard sur ma couleur de peau. Au-delà du métissage dans mes gènes et de mon histoire familiale (kanak, japon, france et Tonga), je suis kanak, car c'est l'environnement dans lequel j'ai grandi, ce sont les langues qui m'ont bercé (fwai, cemuhi) et qui m'ont élevé. Mon père vient de Hienghène (Wérap) et ma mère de Touho. Mes vacances étaient partagées entre jouer au pied du badamier chez ma grand-mère à Wérap (Hienghène) ou ramasser des pommes kanak à Touho. Mon arrivée sur Nouméa était difficile. Il fallait adopter de nouveaux codes, apprendre de nouvelles expressions pour s'intégrer, trouver des repères dans la ville, apprendre à prendre le car ou bien encore s'habiller autrement.
Changer d'espace ne m'a pas fait perdre de vue ma passion pour la photographie. La photographie me permettait de rendre visible et de capturer des moments qui font sens pour moi. C'est un langage artistique où je me suis reconnue. La photo préserve, impacte. Arrivée en master Études océaniennes et du Pacifique à l'UNC, j'ai concilié ma passion pour la photographie et mes études. En effet, durant mon master, je décide de travailler sur le métissage dans la société kanak à travers le prisme de la sociolinguistique. J'observais les différents enjeux auxquels sont confrontés les jeunes s'identifiant de métis.sse dans la société kanak dans l'apprentissage de leurs langues familiales. Nous avons collaboré ensuite avec une artiste du nom de Ucidart, Jorice PAITA, Akarita GELIMA, Machari GOAOUO et Mériba KARE sur le projet intitulé "Sêêdan : tissage de langues". Ce projet a participé à mettre en avant la manière dont les jeunes métis.sse océanien.nne se réapproprient leurs langues et leurs cultures.
À la suite de ce master, je décide d'entreprendre un doctorat (bac+8) en Sciences de l'éducation et de la formation sous la direction d'Elatiana Razafimandimbimanana (UNC) et Anne-José Villeneuve (Canada). Ma recherche doctorale (2024-2027) est axée sur la prise en compte de la pluralité des savoirs des étudiant.e.s dont les savoirs autochtones en contexte universitaire océanien. Je vise à comprendre de quelle manière on peut inclure leurs langues, leurs cultures et les arts qu'ils.elles pratiquent afin de favoriser leur sentiment d'appartenance et de réussite à l'université. L'objectif est de co-concevoir avec ces dernier.ères des outils pédagogiques inclusifs qui leur permettront de se reconnaître et de réussir dans l'espace universitaire.
Être née Mélanésienne.
Être mélanésienne ne se limite plus à une couleur de peau et à des cheveux texturés.
C'est reconnaître un passé où l'on a été étiquetées, classées, stéréotypées, colonisées.
Le voile se lève.
On a choisi d'être valorisées, émancipées, révoltées, passionnées, fortifiées mais surtout… visibles.
Ils ont volé nos voix et gardent le silence.
À nous de déranger leur confort.
Koin
©️Mâge Djodie BOI - Projet Sêêdan.